Immuable

Le nouveau et l'immuable

La décision de l'Église Protestante Unie, le 17 mai 2015, autorisant ses pasteurs à bénir des mariages homosexuels n'a pas manqué de susciter de nombreuses réactions. Rassurez-vous, je n'ajouterai rien à leur nombre : la chose est claire pour ceux qui sont dirigés par la lettre et par l'Esprit. Non, ce qui m'interroge ne sont pas les arguments échangés dans ce débat en lui-même, mais

cette affirmation assénée de façon péremptoire par de nombreux intervenants dans les médias, que la Bible, et singulièrement la Loi et les épîtres de Paul seraient poussiéreuses et que la religion doit être "repensée" voire "refondée" pour s'adapter à notre époque.

On a beau commencer à en avoir l'habitude, il est assez curieux d'entendre des gens qui se prétendent athées expliquer aux musulmans et aux chrétiens ce qu'ils doivent penser et comment se conduire. Non contents de cela, ils leur refuseraient presque le droit même d'émettre une opinion chrétienne sur les changements de société, qu'ils sont en train d'initier, comme si le fait de croire disqualifiait d'intervenir dans le débat public, comme si ce droit n'était garanti par la Constitution. En gros, liberté d'expression pour tous, sauf pour les croyants ! Cela ne correspond ni à la lettre ni à l'esprit des lois sur la laïcité. Pourtant, pour le moins, ces changements que leurs tenants autoproclament "progressifs" n'ont pas fait la preuve de leur succès, si l'on en prend pour indicateurs, le nombre d'avortements, le désarroi des familles, l'incivilité dans la cité et la faillite à répartir harmonieusement les richesses produites par le travail, pour ne citer que ceux là.

Mais essayons de prendre un peu de hauteur pour tenter de décrypter les forces qui sont à l'œuvre derrière cette confusion. Je dois d'ailleurs créditer C.S. Lewis, l'auteur des Chroniques de Narnia du moteur du raisonnement développé ici (C.S. Lewis Les tactiques du Diable, éditeur Empreintes-temps présent, en particulier la lettre XXV)

À la différence des être spirituels, nous autres humains, nous vivons dans le présent et ainsi, nous expérimentons la réalité de façon successive : ce qui existe dans l'instant ne sera plus toujours le même, telle cette image de la mer et des rochers comme l'a écrit le poète Paul Valéry "La mer, la mer toujours recommencée". Dieu a fait de cette expérience un plaisir : nous aimons qu'après le matin vienne le soir, nous aimons l'alternance des saisons. Mais aussi, Dieu a équilibré ce désir de changement avec le désir de permanence : le soir, quand nous rentrons du travail, par exemple, nous aimons retrouver notre maison et notre famille. La tension entre ces deux désirs donne un rythme à notre vie.

Le Diable a cherché, avec succès semble-t-il, à briser cet équilibre en transformant ce besoin de renouvellement en un désir effréné de nouveauté. Or, le plaisir tiré de cette avidité de nouveauté tend à s'émousser à l'usage, tandis que se développe une frustration liée à ce que de plus en plus de ressources : argent, temps, énergie, etc. lui sont consacrées. Il faut toujours plus pour nous contenter moins.

Ainsi la mode et les arts vont de plus en plus loin dans la démesure pour satisfaire des consommateurs de plus en plus blasés. Le cinéma et les séries télévisuelles vont de toujours plus loin dans les rebondissements de scénarios, dans la violence et le sexe, afin de maintenir en haleine des spectateurs de plus en plus assoiffés de voir ce que personne n'avait jamais osé montrer, d'entendre ce que personne n'avait jamais oser faire ouïr avant, de goûter ce que personne n'avait proposé avant, que ce soit dans les arts de la table ou dans la sexualité.

Ce qui est vrai pour les arts et la culture prend tout son sens pour les modes de pensée. Déjà au premier siècle, les citoyens d'Athènes férus de philosophie s'étaient enquis de la nouvelle doctrine enseignée par l'apôtre Paul et manifestement c'étaient la nouveauté et l'étrangeté de ce Paul enseignait qui les intéressaient (cf. Actes 17:19-20). Depuis, le rythme des nouveautés s'est accru : on entarte comme un ringard le porte-parole des "nouveaux philosophes" adulés dans les années 80 ; le New-Age fait maintenant daté ; on se croyait moderne et voilà le post modernisme ! L'horreur du toujours-la-même-chose pousse la pensée humaine vers la déraison, un peu comme ces jeux de construction où les enfants, avec beaucoup d'application, empilent les cubes les uns sur les autres, jusqu'à ce que tout s'effondre dans un grand éclat de rire. On ne se préoccupe pas tant de savoir si le raisonnement tient debout, puisque le jeu c'est de rajouter un cube à l'édifice, en appelant cela "le progrès". Le mauvais, c'est donc l'ancien, le bon c'est forcément le nouveau. Ce qu'il faut, c'est ajouter une nouvelle pièce à l'édifice branlant. Et comme tout s'écroule, s'assurer que tout tombe bien à terre.

La société a évolué donc, et il faudrait que les religions accompagnent ce changement, nous disent les horrifiés du toujours-la-même-chose. Or la foi en Christ, ce n'est pas une construction intellectuelle éphémère bientôt remplacée par une nouvelle et agitée selon l'humeur du temps. Non, la foi en Christ repose sur la parole de Dieu, qui n'est pas changée en fonction des modes "Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point." (Marc 13:31 LSG) dit Jésus. Plus, la parole de Dieu est incarnée en Jésus. Mettre l'Église au goût du jour ? Mais ont-ils la moindre idée que l'Église, c'est le corps de Christ (1 Corinthiens 12:12:31) ? Demander à l'Église de s'adapter aux mœurs du jour, c'est demander aux membres d'un corps, de dicter à la tête comment ils doivent bouger, chacun comme ça leur chante. Il ne faut pas une grande imagination pour imaginer le résultat.

Car la foi n'est pas un artéfact qui se plie au gré du temps : les vérités bibliques ne sont pas relatives, mais absolues. Libre à chacun d'y croire ou non, d'y adhérer ou pas. Mais une fois qu'on y adhère, on ne peut pas le faire à moitié sans renier ce qui en fait sa force. Il paraît que les vérités absolues n'existeraient pas, et que, une à une elles seraient déconstruites par le génie de l'homme avec qui le progrès avance. Mais comme le dit avec humour le roi Salomon : "[...] la pression du lait produit de la crème, La pression du nez produit du sang, Et la pression de la colère produit des querelles." (Proverbes 30:33 LSG). Ce qui était vrai du temps de Salomon 3000 ans avant nous le sera dans 3000 ans encore, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Il est sûr que rappeler les vérités bibliques n'est pas un message populaire aujourd'hui, mais la vérité n'a pas à être populaire, elle existe dans sa glorieuse objectivé comme un lumineux absolu. Et puis c'est vrai que cela peut paraître frustrant et négatif quand des gens refusent de faire ou dire ce que vous voudriez. Pourtant, le message de Christ n'est pas négatif, il n'est pas contre les homosexuels, Christ est venu apporter la délivrance, pas la confusion. Il est venu apporter le pardon, pas une approbation du péché. Il n'est pas tourné vers le passé, il est dans une dynamique de renouveau, ou plus exactement de rétablissement de la relation avec Dieu le Père.

Dans Matthieu 18:11, Jésus donne clairement le but de sa mission : le Fils de l'homme est venu chercher ce qui était perdu et conte alors la parabole du bon berger qui va à la recherche de la brebis perdue. Et perdus, nous le sommes ! Confus dans les solutions à apporter face au réchauffement climatique, face à la violence, face à la drogue, face à la corruption des esprits et la puissance des passions, confus lorsque nous invoquons une morale dont nous refusons le principe même ! La mission de Christ est de nous ramener à Dieu, pas de nous proposer une nouveauté, comme une religion réformée (?) en ligne avec son temps, "tolérante" mais irrespectueuse de ses fondements mêmes (sola scriptura) et de ses valeurs.

Car les valeurs que Dieu a inscrites dans notre cœur, et que certains font tout pour occulter, ne nous ont pas été données par caprice ou pour nous contrarier. Dieu veut notre bien, et ses commandements n'ont d'autre but que de nous permettre de vivre en paix et en harmonie, avec lui et nos semblables. Dans son dernier discours au Hébreux encore dans le désert, et sur le point de rentrer en Terre promise, Moïse, le vieux prophète leur adresse ses mots "J'en prends aujourd'hui à témoin contre vous le ciel et la terre : j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité," (Deutéronome 30:19 LSG).

Choisir la vie, c'est embrasser le projet de Dieu pour nous, avec son rythme et ses saisons et trouver le renouveau dans ce qui est immuable.

Alors l'Église serait-elle, dans une tour d'ivoire conservatrice, de jugement et d'anathèmes, coupée des réalités et insouciante de l'évolution du monde et de ses souffrances ? Certes non ! Comme Christ le lui a demandé, l'Église va à la rencontre des hommes et des femmes, qu'ils soient dans le besoin ou non ; qu'ils soient hétérosexuels ou non, quelque soit leur condition sociale, quelque soit la couleur de leur peau, pour partager avec eux la Bonne Nouvelle, afin que que, restaurés dans leur relation avec leur Père céleste et recevant un cœur nouveau, les choses anciennes soient passées et que toutes choses deviennent nouvelles...