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Une interprétation dangereuse

Alors que nous sommes confinés à l'intérieur de nos maisons pour laisser passer la vague de l'épidémie de Covid-19, les messages se multiplient pour rassurer le peuple de Dieu en s'appuyant sur les promesses, en particulier du psaume 91. Pourtant si nous confessons que les promesses de Dieu sont vraies et éternelles, leur interprétation, elle, est sujette à l'analogie des écritures, c'est à dire qu'on ne peut détacher un texte de la parole de Dieu et en faire une interprétation qui serait contredite par d'autres passages. Comment alors comprendre le psaume 91 à la lumière du reste de la Parole de Dieu ?

Le psaume des promesses

S’il y avait un hit-parade des psaumes, le psaume 91 serait assurément un de nos préférés : “Celui qui demeure à l’abri (ou dans le secret) du Très-haut repose à l’ombre du Tout-Puissant”. Suivent des promesses, plus rassurantes les unes que les autres : “[...] C’est lui qui te délivre du piège de l’oiseleur, de la peste et de ses ravages [...]  Tu ne craindras ni la terreur de la nuit ni la flèche qui vole de jour, ni la peste qui marche dans l’obscurité, ni la contagion qui frappe en plein midi.[...]

L’interprétation dangereuse

On dit “Amen ! Amen ! Alléluia !“ et on comprend “ Il ne peut rien m’arriver, il me suffit de croire ! Covid-19 ce n’est pas pour moi, vade retro Coronavirus ! Je peux même braver les consignes des autorités car Dieu me protège.”

Une fois qu’on a dit cela, deux conclusions logiques mais embarrassantes s’offrent à nous :

 La première c’est que hum, hum, ces chrétiens qui tombent malades (suivez mon regard), c’est qu’ils n’ont pas assez de foi, il ne sont pas assez proches de Dieu... et on glisse dans un esprit de jugement. 

La deuxième, c’est de penser que la souffrance n’est pas pour les chrétiens, ceux qui ont fait alliance avec Dieu, et si effectivement nous sommes atteints, alors que l'on croit, on croit, on croit... cela peut nous amener à penser que Dieu n’est pas fidèle à ses promesses, ou qu'il ne nous aime pas, ou alors qu’il n’est pas tout-puissant, pour arriver enfin à douter de son existence. Le diable désire tout à fait que nous pensions comme ça.

La souffrance, une autre réalité

L’autre réalité, ce sont ces frères et soeurs infectés à Mulhouse. Étaient-ils des incrédules ? Tout le contraire ! Ils jeûnaient et priaient pendant une semaine. Prenons aussi les exemples que nous donnent les vies des grands hommes de Dieu, de l’ancien et du nouveau testament. Paul par exemple, est-ce que des anges l’ont porté littéralement sur les mains de peur que son pied ne heurte contre une pierre ? (verset 11-12) il suffit de lire 1 Corinthiens 4:11-13 pour être persuadés du contraire. Job aussi par exemple, a eu les pires ennuis que l’on puisse avoir, y compris des amis qui lui serinaient les oreilles en lui disant que tout cela lui était arrivé parce qu’il n’était pas un juste. Que dit Dieu aux amis : “Ma colère est enflammée contre toi et contre tes deux amis parce que vous n’avez point parlé de moi avec droiture comme l’a fait mon serviteur Job.” (Job 42:7)

Cette interprétation est servie enfin à Jésus sur un plateau lors de la troisième tentation dans le désert, par Satan lui-même qui va utiliser ce psaume : " Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple, et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas ; car il est écrit : Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, Afin qu’ils te gardent ; et  Ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre" et Jésus ne répond pas en disant "Tu as raison, si les Écritures le disent eh bien on va le faire “ mais par le verset “Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu.”  (Luc 4:12) qui est lui-même une citation de la loi (Deutéronome 6:16) . C'est en cela que l'interprétation est non seulement dangereuse, mais aussi diabolique.

Une contradiction apparente entre deux vérités

Alors nous nous trouvons devant une apparente contradiction : d’un côté, rien ne peut m’arriver si je marche avec mon Dieu, et de l’autre, l’exemple d’hommes de Dieu soumis à la souffrance et la mort, sans parler d’une multitude de textes. (Jacques 1-2-3 ; 1 Pierre 6:9 ; Hébreux 10:34 ; Romains 5:3-5) qui expliquent le contraire. Pour corser le tout, dans le même psaume 91, il est écrit “Je serai moi-même avec lui dans la détresse”. Ainsi on pourrait être à la fois protégé et dans la détresse...

Quand il y a une apparente contradiction entre deux vérités apparentes, c’est le moment de prier pour que le Saint-Esprit nous éclaire et de lire les écritures dans leur ensemble sans détacher les vérités les unes des autres.

Car quand on veut vraiment une chose et que l’on trouve un passage qui colle tout à fait à  ce que l’on veut, c’est alors il faut faire attention, non par manque de foi, mais par sagesse. La foi triomphe du doute, elle ne l’ignore pas. Croire par notre seule volonté, ce n’est pas de la foi, c’est de la présomption. Souvent la sagesse nous amène à douter de nos impulsions, de nos désirs. La sagesse, c’est de comparer ce qu’on vient de lire, à ce que l’on connaît du reste de la parole de Dieu et de l’expérience que l’on a emmagasinée dans notre marche avec le Seigneur. Et “si quelqu’un manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu” nous dit Jacques avec le ton rugueux qui le caractérise (Jacques:1:5)

Comment comprendre ?

Le psaume 91, comme tous les psaumes d’ailleurs, c’est de la poésie et celle-ci se sert de sujets matériels, d’images, comme éléments de comparaison pour une réalité supérieure. Quand le poète Ronsard par exemple, nous parle de rose qui se fane trop vite, ce n’est pas parce qu’il est soudain féru de botanique, mais c’est pour parvenir à ses fins avec une certaine mignonne...

Est-ce que nous devons donc comprendre donc le psaume dans la réalité physique qui nous entoure, savoir par exemple se sentir immunisé contre SRAS-CoV-2, ou invincible devant les balles ou l’épée des terroristes ? Non, même si Dieu, dans sa sagesse, décide de nous protéger. Pourquoi ? Parce que cela est contredit par trop de choses dans la Parole de Dieu.

Dieu ne fait pas le mal, mais son plan passe parfois par laisser le Diable s’enferrer dans une stratégie qui le trompe, en soumettant les élus à des épreuves cruelles. Le Seigneur Jésus lui-même en est l’exemple suprême. En faisant accuser Jésus, en le faisant crucifier, Satan s’est condamné lui-même.  En persécutant l’Église de Christ, Satan n’a fait que mettre en place les conditions qui ont permis à celle-ci de se répandre et de vaincre.

Si ce n’est pas de contagion, de flèches, du lion, de la vipère, des pièges de notre réalité physique, alors de quels dangers le psaume parle-t-il ?

Pour nous aider à comprendre, nous allons nous enfoncer encore un peu plus dans le paradoxe. Dans son discours sur le mont des Oliviers, Jésus annonce aux disciples la destruction de Jérusalem  (Luc 21:16 et 17) et parallèlement, ce qui arrivera à la fin des temps. Il liste une série de tribulations : vous serez, livrés, haïs, ils vous feront mourir.. et au verset 18 “Mais il ne se perdra pas un cheveu de votre tête ; par votre persévérance vous sauvegarderez vos âmes”. Comment Jésus, peux-tu dire qu’on va mourir et dans la même phrase que pas un cheveu ne tombera de notre tête ? 

La conclusion logique, c’est que précisément, c’est bien de nos âmes que le Seigneur se préoccupe, de notre vie éternelle. Dit brutalement, Jésus est mort sur la croix pour racheter nos âmes, pas pour sauver notre peau. C'est une vérité qui n'est pas toujours facile à avaler, mais ce qui importe à Dieu, ce n’est pas tant cette enveloppe dans laquelle nous vivons cette vie matérielle, visible, que ce qu’elle contient :  l’esprit, invisible, qui a été racheté au prix du sang de Jésus, pour vivre à jamais auprès de Dieu. Le Diable peut s’en prendre à notre corps, comme il s’en est pris à Jésus et aux saints listés en Hébreux 11. Mais il ne peut s’en prendre à notre âme tant qu’elle demeure “À l’abri du Très-Haut” comme le dit tout ce psaume magnifique, tant qu’on ne lui livre accès. C’est ce qui explique le courage de ces héros de la foi qui ont tout enduré, sans renier leur sauveur, afin “d’obtenir une meilleure résurrection”. Leur corps a été détruit, déshonoré parfois ; mais leur âme a été glorifiée comme Étienne, le diacre mis à mort (Actes des apôtres 7:54-59).

Quand nous comprenons ceci, nous lisons et nous nous laissons pénétrer par la vérité et la beauté de ce psaume, en savourant la promesse que le Dieu Tout-Puissant veille sur notre âme quelles que soient les circonstances.  

Non au fatalisme et oui à la prière de la foi

Est-ce alors que nous devons nous résigner et attendre avec fatalisme que notre karma ou notre destin s’accomplisse ? Certainement pas ! Si la parole de Dieu comme nous l’avons souligné, rapporte l’histoire de nombreux hommes et femmes soumis à la souffrance, nous lisons aussi de nombreuses interventions divines : depuis Joseph dans sa prison, Les Hébreux protégés des dernières plaies avant l'Éxode, Daniel dans la fosse aux lions, jusqu’à Pierre qui s’évade de façon miraculeuse de sa prison. Les exemples sont trop nombreux pour les rapporter ici.

Encore aujourd’hui, dans nos églises, on se réjouit d’entendre de nombreux témoignages de l’intervention divine, que ce soient des guérisons de maladies incurables, de renversements de situation, de protection divine. Les miracles n’appartiennent pas au passé. 

L’apôtre Paul écrivait à ses bien-aimés de l’église de Philippes “ Ne vous inquiétez de rien ; mais, en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Christ-Jésus.” (Philippiens 4:6-7)

Dieu, dans sa sagesse insondable agit ou laisse faire, non par caprice ou par favoritisme, ni même encore en récompense de mérites qu’on se serait acquis, mais parce qu’il a un projet de rédemption qui dépasse totalement notre imagination. Étre en alliance avec ce Dieu, c’est être “à l’abri du Très-haut” qui pour nous a un plan. “Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Éternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance. Vous m’invoquerez, et vous partirez ; vous me prierez, et je vous exaucerai. Vous me chercherez, et vous me trouverez, si vous me cherchez de tout votre cœur.” (Jérémie 29:11-13)



Note :  l’auteur de ces lignes doit beaucoup au Dr. Timothy Keller en particulier dans sa conférence “Satanic exposition” https://youtu.be/zNAx3Dyzscw