Les cantiques révolutionnaires

Dans l’histoire d’Israël, deux femmes se répondent : Anne et Marie.

 Anne, la stérile, venait consacrer son fils à la maison de l’Éternel, elle qui quelques mois plus tôt vivait dans la honte de ne pas avoir eu d’enfant. Son bébé, Samuel, allait devenir le juge d’Israël et le prophète de l’Éternel.

Mille ans plus tard,

Marie, la vierge, toute jeune fuyait l’opprobre de sa famille et de sa communauté, en se réfugiant chez une parente à des semaines de marche de son village, Nazareth. Pourquoi ? parce qu’elle avait accepté la mission de porter l’enfant Jésus, le sauveur du monde, alors qu’elle n’était pas encore mariée. 

Les cantiques de ces femmes font écho avec une force et une beauté renversantes au travers des siècles. Et au cœur de ces deux louanges 1, il y a cette pensée révolutionnaire de la justice de Dieu, de l’élévation des humiliés et du rabaissement des puissants :

Chant à deux voix

Anne ( 1 Samuel 2:7)

L’Éternel appauvrit et il enrichit,

Il abaisse et il élève.

De la poussière il redresse l’indigent,

Du fumier il relève le pauvre,

Pour les faire siéger avec les notables ;

Et il leur donne en héritage un trône de gloire ;

Marie ( Luc 1:50)

Et sa miséricorde s’étend d’âge en âge 

Sur ceux qui le craignent

Il a déployé la force de son bras ;

Il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses,

Il a fait descendre les puissants de leurs trônes,

Élevé les humbles,

Rassasié de biens les affamés,

Renvoyé à vide les riches.

 

 

Ces deux femmes humiliées tressaillaient littéralement de joie à l’idée que la justice de Dieu était déjà actée, et leur humiliation transcendée. Elles ne la voyaient pas encore dans les faits, mais par la foi, elles entrevoyaient le salut au travers de l’enfant qu’elles portaient.

Révolution

Quel rapport avec nos préoccupations ? Les siècles ont passé, les moeurs sont différentes. Mais le bouleversement qui nous saisit a-t-il rien à voir avec cette aspiration prophétique de la révolution de justice qui les faisait exulter d’allégresse ?

Qui aurait pu penser voir un jour, ce à quoi nous assistons ? On nous annonçait la révolution du surhomme, transhuman, immortel, augmenté par le pouvoir des machines et de l’intelligence artificielle ; cet homme n’a plus d’autre protection, en ce joli mois d’avril, que de se terrer chez lui et de se masquer le visage. 

Et les puissants - auxquels nous devons respect et considération -  sont hésitants, ignorants, ne sachant où et vers qui se tourner, soumis à un stress qui les fait vieillir à vue d’œil, prompts à des revirements qui ressemblent à de la panique, vilipendés par une opinion publique souvent injuste.

Et celles que la révolution a élevées au titre d’héroïnes, ce sont ces humbles qui reçoivent les applaudissements à 20:00 depuis les fenêtres et balcons de nos rues : les infirmières, aides-soignantes, femmes de ménage, aides à domicile, caissières de supermarché. Elles sont sur la ligne de front, parfois au risque de leur santé et de leur vie familiale. Ce sont elles qui sauvent et qui pourvoient, par des gestes quasi maternels.

Bientôt le virus disparaîtra, le vaccin sera trouvé, les stocks de médicaments de respirateurs et de masques seront reconstitués, les puissants reprendront leur place. Les marchés financiers après avoir été bien ébranlés retrouveront de l’allant. Mais nous serions les derniers des fous, de ne pas tirer les enseignements de ce printemps carcéral. 

Un changement de valeurs

L’enseignement principal de cette crise, c’est la fragilité de notre condition humaine, à la merci des éléments, à la merci d’un des plus petits organismeq vivants, à peine de la taille d’un dixième d’épaisseur de cheveu. Les savants ne savent plus, les gouvernants ne maîtrisent plus les choses, ce n’est pas la délicieuse polyphonie d’Anne et de Marie, c’est la cacophonie d’une mare à grenouilles. Cette fragilité devrait nous conduire à l’humilité devant la nature et surtout devant son créateur.

Nous sommes capables de beaucoup de choses, mais pas de l’essentiel. Nous savons beaucoup de choses, mais pas l’essentiel. Et quel est l’essentiel ? “La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse ; Tous ceux qui l’observent ont une raison saine. Sa gloire subsiste à jamais.” (Psaume 111:10). 

Dieu est notre père, mais pas notre copain, encore moins notre serviteur à notre disposition pour redresser les choses quand on a raté notre coup. Le craindre, pas en avoir peur, mais avoir du respect. 

Ceci devrait nous, Église, à revenir à l’essentiel : redevenir ce que le Père céleste attend de nous : des adorateurs en esprit et en vérité (Jean 4:23) ; redonner de l’importance au message de la croix ; retrouver le chemin de la repentance et de la crainte de déplaire à Dieu ; avancer sur le chemin du perfectionnement des saints ; réformer notre communion, notre culte ; expurger de nos répertoires de cantiques de nombreuses nouveautés bien rythmées mais pas si inspirées que ça, qui exaltent plus la créature que le Créateur.

Ceci devrait nous conduire à expurger de nos amis Facebook beaucoup de “ministères” tonitruants (ou toni- truands ?) d’apôtres ceci et de prophètes cela, pour revenir à l’humilité, la crainte de l’Éternel, la simplicité… et la direction du Saint-Esprit.

Un changement de comportement

Ces valeurs retrouvées, si nous sommes constants et sincères,  nous amèneront à changer de comportement.

D’abord pour honorer les femmes, nos mères, nos sœurs, nos filles, nos compagnes et nous rappeler qu’ elles sont par nature et par culture, viscéralement des donneuses et des protectrices de vie. Il y aurait tant à dire sur ce sujet et de ses implications dans l’Église, mais il faut pour cela une révélation particulière du Saint-Esprit en chacun pour que le message puisse être reçu.

Ensuite regarder d’un autre œil celles et ceux qui nous rendent service jour après jour : les soignants bien sûr mais aussi les éboueurs, policiers, sapeurs-pompiers, serveurs. Certes ils sont payés pour leur travail. Pas bien cher, le plus souvent. Ce qui manque à leur salaire, donnons le, par un sourire, une parole gentille d’appréciation et un petit geste pour ne pas leur donner plus de travail. C’est cela aussi, être le sel de la terre.

C’est vrai dans le monde dans lequel le Seigneur nous a placé, mais c’est vrai aussi et d’abord dans l’église, pour ceux qui avec fidélité assurent les fonctions de support : ménage, sécurité, accueil, solidarité, pouponnière, sonorisation, vidéoprojection... loin de l’estrade. Ce qu’ils font n’est pas un dû, mais un don. Ils ont besoin de renfort, mais les appels restent vains..

Jésus revient bientôt

Cette révolution ne durera probablement que quelques mois, mais elle nous sert de piqûre de rappel à nous qui oublions si vite. Elle nous rappelle notre condition humaine si fragile, nos investissements si mal placés. 

On a vu pendant cette crise les prophètes d’après coup sur les chaînes d’info ou dans les couloirs de l’Assemblée Nationale , qui glosaient à coup de “Il n’y avait qu’à” ou “Il aurait fallu que”, “Gouverner, c’est prévoir” . On ne savait pas. Oui on aurait pu imaginer, mais il y a tellement de scénarios possibles...

Mais il y a une chose que l’on devrait savoir : Jésus revient, bientôt. Et ce sera une toute autre déflagration pour le monde. Il faut changer nos priorités, nos valeurs, nos comportements, les axer sur cette certitude et chanter avec anticipation à l’unisson de Marie et Anne, le cantique de la justice de Dieu qui vient et qui s’exercera parfaitement.

 

Jean-Marc

 

1 Note: le psaume 113: 6-8 reprend la même thématique