David Mastriforti

Principes de croissance(1)

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Dans la droite ligne du thème de la moisson, David a choisi d'évoquer plusieurs principes qui contribuent à la diffusion de l'Évangile et par conséquent au salut du plus grand nombre. Ce dimanche, nous verrons que l'adaptation vaut mieux que la tradition.

Dieu nous commande d'aller vers les nations et d'annoncer la Bonne Nouvelle. Nous comprenons que, si Dieu a sa part dans le processus de transformation des cœurs et de croissance spirituelle, nous avons aussi la notre.

L'apôtre Paul nous le confirme dans son épître à l'Eglise de Corinthe : « J'ai planté, Apollos a arrosé, mais Dieu a fait croître » (1 Corinthiens 3 : 6). Nous pouvons ainsi résumer ce partage des rôles : à Dieu la souveraineté du don de la vie, à nous la responsabilité de semer et de prendre soin des semences.

Cette responsabilité que Dieu nous a assignée n'est pas à prendre à la légère : nous devons veiller à ce que nos comportements et nos mentalités ne viennent pas inhiber notre avancée dans la mission qui nous incombe.

David a introduit son message par deux passages de la Bible : Actes 10 : 9-24 et Actes 11 : 1-4, puis verset 18. Il est question de Corneille qui désire entendre ce que les apôtres enseignent et qui envoie des gens à la rencontre de Pierre. Il est aussi question de ce dernier qui fait montre de résistance à l'égard de Dieu lors d'une vision qui bouleverse certaines de ses certitudes.

Par le biais de ces passages, David a voulu focaliser notre attention sur un premier principe qu'il est important de garder à l'esprit si nous ne voulons pas, par nos mentalités, provoquer l'inverse de ce à quoi nous sommes appelés par Dieu. Ce premier principe se présente ainsi : l'adaptation vaut mieux que la tradition.

La nécessité de l'adaptation

Nombreux sont les facteurs qui expliquent la transformation de nos sociétés. Mais le fait est que le monde d'hier n'est plus le monde d'aujourd'hui, et que l'époque que nous connaissons et qui évolue si promptement ne sera pas non plus celle de demain. Ces changements se font et se défont parce que les gens s'adaptent. Ce même phénomène s'observe pour l'église. Celle-ci a su s'adapter au fil du temps. Mais elle doit continuer à le faire car le monde est plus dynamique et versatile que jamais.

Pierre a su s'adapter. Mais nous constatons qu'il l'a fait non sans résistance à la direction du Saint-Esprit qui l'invitait au changement. Pourtant, les conditions de sa bonne disposition à recevoir étaient réunies : il était en train de prier et séjournait chez un ami profitant probablement d'un peu de repos, au port de Jaffa. Malgré cela, il aura fallu trois fois pour que Pierre se laisse finalement convaincre.
Dieu a voulu lui annoncer que le salut est pour tous, juifs et païens, et Pierre s'en est trouvé déstabilisé bien que Jésus leur avait dit, à lui et aux autres disciples, d'aller dans toutes les nations.

Pourquoi est-il alors si réticent ? Pierre a en fait une lecture de la Parole, et notamment du Lévitique (et du passage sur les aliments impurs), modelée par son histoire et sa culture, ainsi qu'une vision des non-juifs qui toutes les deux sont contredites par ce que lui dit le Saint-Esprit dans sa vision. Mais Dieu ne peut pas contredire sa propre Parole. Elle est éternelle. C'est donc la vision de Pierre qui n'est pas conforme.

Notre interprétation de la Parole peut nous conduire à entraver la diffusion de l'Evangile. Il est facile de confondre fondements bibliques et interprétations personnelles façonnées par notre culture, notre passé et nos expériences. A titre d'exemple, les chrétiens darbystes ont pris l'habitude de ne saluer personne en chemin parce qu'ils ont pris au pied de la lettre le conseil de Jésus à ses disciples lorsqu'il leur a demandé de prêcher la Bonne Nouvelle. Il y avait alors un contexte d'urgence et Jésus leur avait conseillé de ne pas s'adresser aux gens car les salutations représentaient un rituel très long qui faisait perdre beaucoup de temps. Cette pratique des darbystes devenait alors un obstacle au salut des hommes car leur comportement témoignait contre eux.

L'exemple, bien que véridique, peut sembler grossier et caricatural. Il doit cependant nous amener à nous questionner : avons-nous des raisonnements et des attitudes qui sont le contrepied de ce que nous devrions faire pour accomplir notre mission ?
David prenait plusieurs exemples, notamment la prédication de l'Evangile qui selon certains est réservée aux pasteurs alors que n'importe qui peut, ou plutôt, doit annoncer la Parole de Dieu. Nos liturgies peuvent parfois interférer dans la propagation du message de l'Evangile et bloquer les gens alors qu'ils ont soif.

Il est donc vital de nous débarrasser de notre « patois de Canaan » qui peut sceller la Bonne Nouvelle au lieu de la diffuser. C'est à nous de nous adapter à ceux qui ont soif et non l'inverse.

Nul compromis sur le message

Pour autant, cela ne signifie pas que le message que nous transmettons doit changer. Sur ce point, le laxisme n'est pas envisageable. Sans faire aucun compromis, Paul parvenait à s'adapter. Il le dit lui-même lorsqu'il s'adresse aux Corinthiens :

« Car, bien que je sois libre à l'égard de tous, je me suis rendu le serviteur de tous, afin de gagner le plus grand nombre. Avec les Juifs, j'ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi quoique je ne sois pas moi-même sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi ; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ, afin de gagner ceux qui sont sans loi. J'ai été faible avec les faibles, afin de gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous, afin d'en sauver de toute manière quelques-uns. » (1 Corinthien 9 : 19-22)

Pierre n'agit pas différemment. Sa prédication au début des Actes s'adresse majoritairement aux juifs. Il cadre alors son discours de sorte qu'il soit adapté à son auditoire : il évoque surtout l'Ancien Testament et les appelle « frères ».
Face à Corneille et ses gens, Pierre s'appuie sur ce que son public connaît (« Vous savez ») des évènements et s'apparente à eux en leur disant « nous ». Mais le cœur de son message ne varie pas.
De même, nous ne pouvons pas nous adresser à des musulmans comme à des athées, même si pour chacun d'eux nous annonçons le message de salut.

À la même époque, l'Eglise a réussi à s'adapter à sa propre croissance qui avait engendré son lot de nouveaux problèmes. Des solutions avaient alors été trouvées : partage des biens et délégation. Et les chrétiens ont accepté ces évolutions car ils comprenaient que la situation avait changé.

La nécessité du changement se retrouve dans d'autres cadres, comme celui de l'éducation. Les règles édictées par les parents ne sont pas les mêmes selon l'âge des enfants. Mais que l'enfant ait 3 ans ou 15 ans, le principe est toujours le même : le respect.
La logique est la même pour l'église.

S'adapter n'est pas tout changer

Prenons garde toutefois à ne pas tomber dans une fièvre qui nous pousserait à tout changer inlassablement. Les pratiques singulières des églises ne doivent rien au hasard : elles ont une histoire qu'il est important de connaître et de transmettre. Par ailleurs, si une habitude est ancrée dans l'église, c'est qu'elle a prouvé son bon fonctionnement et son efficacité. Ce serait alors une erreur que de s'en débarrasser.

Le pape Benoit XVI avait dit de « regarder le passé avec reconnaissance ». Ce qui a été accompli par nos précurseurs doit être considéré. Ne pas en tenir compte sous prétexte d'adaptation serait du mépris pour eux et pour l'œuvre que Dieu a accomplie.

Mais à l'inverse, ne tombons pas dans l'excès de la sacralisation des traditions. Il faut toujours comprendre pourquoi on fait de telle manière ou de telle autre. La justification qui consiste à dire que l'on a toujours fait comme cela n'est pas valable. Il faut savoir pourquoi on le fait comme ça. La remise en question est une démarche que nous devons entretenir et dans laquelle nous devons nous efforcer de maintenir un juste équilibre.

La persévérance dans la prière, l'adoration, la communion fraternelle, la prise en charge des faibles et la proclamation de l'Evangile, entre autre, ne changent jamais quelque soit les cultures et les époques. Seules les formes sont susceptibles d'évoluer.
Ce qu'il convient de garder à l'esprit, c'est que notre mission reste et restera plus importante que les méthodes et les formules employées. Faisons preuve de souplesse mais conservons des repères. Cet équilibre délicat ne peut être trouvé que si nous croyons que le gain des âmes est autrement plus essentiel que la conservation des traditions.
Dans la même déclaration, Benoît XVI disait de « vivre le présent avec passion ». La passion pour le salut des âmes ne doit pas être perdue de vue. Et la résistance au changement ne doit pas éloigner de cet objectif.

« Je fais tout pour la cause de l'Evangile » (1 Corinthien 9 : 23)

N'oublions pas : comme le centenier Corneille, ainsi que sa famille et ses amis, les gens sont prêts à recevoir le message d'amour de Jésus-Christ. « Embrassons l'avenir avec espérance » terminait le pape car nous croyons que la récolte sera grande.

 

Notes de prédication : Olivier